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Chapitre VI : la naissance du Sabre :

6.Le Fourreau : Il s'agit ici du fourreau provisoire en bois dit SHIRASAYA .

Une épée parfaitement polie doit être impérativement protégée par un fourreau totalement adapté à sa morphologie . Un sabre complètement équipé du point de vue montures ou KOSHIRAE est généralement constitué d'un fourreau laqué , une poignée avec des tresses , une garde , des couteaux à usage domestique et d'autres agréments et motifs décoratifs métalliques . Ce KOSHIRAE peut être très élaboré et recherché surtout si comme durant la période EDO le caractère d'arme s' est peu à peu dissipé pour laisser place à une notion plus décorative , d'agrément . Par contre , les nouvelles épées sont construites pour un emmagasinage en attendant une commercialisation , et donc utilisent un fourreau " provisoire " ou nu , en bois basique , nommé SHIRA SAYA ou " fourreau dormant " .
L'aspect extérieur d'un fourreau nu est bien évidemment très différent de celui d'un fourreau laqué de KOSHIRAE . La confection intérieure cependant nécessite le même travail . La lame glisse dans le fourreau avec son arête dorsale polie par brunissage . Si le fourreau est trop rugueux , il risque par des éraflures d'endommager le brunissage de l'épée . La sécurisation de la lame dans le fourreau n'est due qu'à la pression de l'ouverture du fourreau ou SAYAGUCHI sur le HABAKI . En plus , la lame ne doit pas cliqueter dans le fourreau . Ajuster la lame dans le fourreau , c'est le travail du spécialiste du fourreau ou SAYACHI .
La plupart des sabres historiques japonais ont été conservés dans leur état de KOSHIRAE . Une unique épée peut porter plusieurs montures différentes , chacune appropriée pour une saison ou une occasion . Cependant des fourreaux en bois datant du début de la période EDO ont été retrouvés , servant notamment de protection pour des lames acquises par des temples . Ces SHIRASAYA étaient ovales ou octogonales . Durant EDO tardif , les samourais riches qui présentaient des montures complètes lorsqu'ils portaient leurs sabres hors de chez eux , les rangeaient dans un fourreau bois à leur domicile . Ces fourreaux se nommaient YASUMESAYA " fourreaux restants " ou ABURA SAYA " fourreaux à huile " . L'importance des montures complètes décrut dès la parution du HAITOREI ( l'interdiction du port du sabre en public ) .
Un fourreau bois s'avérait largement suffisant pour porter une arme en privé . Bien que le port du sabre en public soit encore illégal , la mode des pleines montures , KOSHIRAE, est revenue au gout du jour .

Les fourreaux japonais sont toujours construits en HO c'est-à-dire du MAGNOLIA particulièrement de l'espèce OBOVATA . Cela est vrai depuis le début de la période HEIAN , des exemplaires furent retrouvés dans des sépultures de cette époque . Cet arbre qui pousse dans le JAPON entier est idéal pour confectionner un fourreau pour plusieurs raisons . Il est doux et n'érafle pas la lame , il a un grain régulier et de plus est aisé à travailler avec un ciseau à bois . Quand il est préparé convenablement le HO n'a pratiquement plus de sève en lui et un environnement sec , est idéal pour la vie et la survie d'une lame en acier .
Les changements qui découlent des variations de température et d'humidité sont une vraie gageure pour le SAYACHI car ils affectent la taille du bois autour de la lame . Il est nécessaire pour celui-ci que l'environnement de son atelier soit similaire du point de vue humidité et ventilation à celui où la lame doit aller .
C'était un problème beaucoup moins ennuyeux il y a encore 30 ans , la ventilation naturelle étant plus importante dans les habitations japonaises .
Aujourd'hui, l'utilisation de l'air conditionné et l'air chaud dans les habitations individuelles font qu'une même zone peut subir de larges variations d'ambiances climatiques. Celles-ci doivent quelquefois être compensées au niveau du design du fourreau . Pour une lame devant partir vers un climat plus sec que celui, humide de TOKYO , le contour du fourreau devra être un peu plus lâche jusqu' à la limite empêchant toutefois la lame de s'extraire de ce dernier toute seule . Lorsque l'épée et son fourreau atteindront leur destination , la faible humidité ambiante fera rétrécir le bois permettant un ajustement du fourreau sur la lame . Un bon fourreau doit répondre à de nombreux critères . Le principal , c'est le contour qui doit parfaitement être adapté à la lame pour laquelle il a été taillé . La couture doit être hermétique pour ne permettre le passage d'aucune saleté ni moisissure . Elle doit également être suffisamment résistante pour permettre le nettoyage intérieur occasionnel . L'extérieur doit être proprement fabriqué et agréable au toucher . Le dessin du fourreau doit aussi réfléchir quelque chose de la nature de la lame qu'il contient et qu'il protège .

A) KIDORI : Découpage de l'ébauche

Le SAYACHI sélectionne le bois pour fabriquer le fourreau à partir d'un stock acheté à des spécilistes dans le commerce de cet arbre . Souvent le bois est acheté en amont et entreposé dans un atelier couvert et bien ventilé . En fonction du désir du client et de la nature du sabre , il choisit son bois sur sa teinte , son épaisseur et bien sur, sa qualité . Après son choix , le SAYACHI utilise une scie à main et suivant le grain du bois , sur la longueur , il découpe une forme oblongue possédant les dimensions ( longueur , largeur et courbure ) de la lame à protéger. Si il rencontre un noeud en chemin , il doit tout reprendre au début ( cf illustration 1 : les outils du SAYACHI ).

B) NAKADOSHI : Fendage de l'ébauche

Le SAYACHI ne fabrique pas le fourreau à partir de deux pièces de bois séparées et distinctes . Il choisit plutôt une pièce de bois unique , qu'il scie au milieu en deux parties , réalise une engravure à l'intérieur des parties pour l'épée puis les rassemble toutes deux ( cf illustration 4 ).
Il commence en traçant deux lignes sur les deux faces de la planche oblongue précédemment découpée puis la scie en deux parts sensiblement égales . Notre SAYACHI fait reposer la planche sur un billot de bois , puis la maintenant de ses pieds ( ses pouces plus précisémment ) , la scie en son centre ( cf illustrations 2 & 3 ).
Il retourne systématiquement la planche tous les trois ou quatre coups de scie , cela lui permet de conserver une précision dans sa découpe , les deux faces de la planche étant tracés comme indiqué précédemment .

C) MENTORI : Rabotage pour aplanir les faces extérieures du fourreau

Un rabotage léger est appliqué à l'extérieur des deux coques de bois séparées ci-avant pour les lisser et les adoucir . Les rabots japonais comme les scies japonaises sont davantage utilisées en traction-pulsion qu'en pression . La planche est positionnée et maintenue de telle sorte qu'aucune fixation métallique donc abrasive n'est employée .
La SAYACHI scie ensuite les parties qui seront destinées à la poignée de bois du sabre .

D) KEZURI-AWASE : Rabotage des faces intérieures du fourreau

Le SAYACHI va maintenant raboter les faces intérieures des deux parties sciées . Le but de l'opération est de les rendre parfaitement plates de telle sorte que l'on puisse les coller ensembles sans trou ni séparation d'aucune sorte sur l'ensemble du linéaire de couture . Quand ce travail est réalisé , il trace l'emprunte de la lame à l'intérieur des deux planches (cf illustration 5 ).

E) KAKI-IRE : Ciselage des réservations intérieures pour la lame

Après avoir dessiné les empreintes de la lame , utilisant de fins ciseaux à bois , notre SAYACHI entreprend le ciselage des deux faces internes pour y mettre la lame ( cf illustration 6 ).
Il commence par découper perpendiculairement à la latte de bois pour enlever la quantité de matière nécessaire . Puis il cisèle à plat pour égaliser la surface interne . De nouveau avec un premier , ensuite un second ciseau puis un troisième , de plus en plus fin , il passe sur la longueur du bois pour éliminer les diverses dépressions et obtenir la réservation désirée . L'utilisation combinée de ces 3 ciseaux permet d'enlever le volume nécessaire au positionnement de la lame . Cette " gorge " sera moins profonde à la pointe par rapport au niveau du dos . Ces opérations d'évidement sont effectuées sur les deux coques de bois . Celles-ci sont maintenant quasi identiques tant intérieurement qu'extérieurement . Cependant , l'une des lames , sera dotée d'une petite lèvre pour protéger le tranchant , son opposé sur l'autre pièce de bois sera graduellement tapé et aplati ( cf illustration 7 ). Cela afin empêcher la lame d'entrer en contact avec la colle présente sur la zone d'encollage .
D'autre part , cela permet de conserver près de la zone de la pointe de la lame , un espace vide pouvant jouer le rôle de réservoir susceptible notamment d'accueillir le surplus d'huile lors de l'entretien de la lame . Le pan vertical intérieur des lattes de bois est affiné à l'aide d'un petit couteau nommé YOKOGAKI
( cf illustration 7 ) , ensuite il sculpte ce qui constituera l'embouchure du fourreau ou SAYAGUCHI .
La bouche doit être juste assez large et frotter sur le HABAKI lorsque celui-ci est sorti au 2/3 . Pour cela , ce dernier doit être à son tour parfaitement serti à la lame sinon l'opération est impossible . De même , deux sections de bois seront préparées pour recevoir le NAKAGO de l'épée . Le SAYACHI frotte l'intérieur des surfaces du fourreau avec une portion de TOKUSA qui est l'extrêmité d'une grande prêle ( un plumet ressemblant à une queue de cheval ) , végétal très fréquent au JAPON qui posséde également des qualités abrasives .
Le papier de verre n'est jamais utilisé , non seulement car il pourrait détruire le lustre du bois mais dans le cas particulier d'un fourreau , il peut laisser accroché un éclat qui éraflera la lame .
Le SAYACHI peur maintenant réaliser son assemblage en juxtaposant les deux parties de son fourreau et en les attachant ensemble . Il oint la lame d'huile puis l'introduit brièvement dans le fourreau , puis il enlève la corde et dissocie les deux pièces de bois enfin il examine les traces d'huiles laissées sur les surfaces internes du SAYA . Ces marques permettent de savoir comment s'effectue le frottement de la lame sur les parois du fourreau . Si l'aspect n'est pas propre , il peut encore être ajusté au couteau ou au ciseau .

A suivre......

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Chapitre 6 : Naissance du Sabre