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( Suite )

Chapitre VI : la naissance du Sabre :

H)HIZUKURI : formation de la lame
La SUGATA, forme définitive de la lame , est " dessinée " , perpendiculairement à sa longueur, formant tout à tour , le tranchant HASAKI , la pointe KISSAKI , l'arête centrale SHINOGI et le dos MUNE .
Chauffer la lame jusqu'au jaune (1100 °C) , ( cf illustration 1 ), continuer de travailler régulièrement marteau à la main jusqu'à 700 °C , jusqu'à obtenir une teinte rouge cerise puis retourner à la forge pour la re-chauffer, tel est le travail de notre KAJI . Petit à petit , 15 cm de lame à la fois étant chauffés , c'est un stade délicat , car si la SUNOBE est trop chaude pour le martelage, cela éclatera l'acier et détruira le métal composite , à l'inverse , le martelage quand l'acier est trop froid peut fracturer le sabre . La lame semble s'allonger au fur et à mesure du martelage de l'artisan. Le forgeron travaille vite, tournant rapidement l'acier pour le préserver de la variation de température lorsqu'il le pose sur l'enclume froide . Le martelage est rapide passant successivement du tranchant, aux faces , au dos , et à la pointe , variant la force de chaque coup , produisant le juste effet pour obtenir l'extension voulue de l'acier . Par cet uniforme et constant martelage , qui plus est parfaitement adéquat , le forgeron produit une surface lisse et régulière éliminant ainsi la nécessité d'avoir recours de façon superflu à la lime ou à la meule ultérieurement . Le tranchant qui aura plus tard son rendu " lame de rasoir " est à ce stade laissé assez épais environ 0,25cm ; un HASAKI trop ténu et le " stress " causé par la trempe ultérieure pourrait fortement l'endommager (apparitions de craquelures potentielles ) .

I)SHIAGE : Limage et meulage grossier
Après la forge , le forgeron utilise un rabot à deux manches , SEN, le long des facettes de la lame pour enlever les diverses irrégularités ou autres obstacles imprévus subsistant sur celle-ci . Ce rabot produit une surface plane et est un vrai outil pour durcir , tailler et même aiguiser l'acier. Le KAJI passe un coup de lime le long du dos et du tranchant , puis utilise une meule munie d'une pierre à carbone grossière sur l'ensemble de la lame à l'exception du tranchant .
A ce stade la forme de la lame est totalement dessinée , toutes les lignes et toutes les surfaces parfaitement adéquates et complètement réalisées . Le NAKAGO , le SHINOGI, les MACHI , les arête dorsales sont proéminentes .
La texture des flancs est volontairement laissée telle qu'elle , rugueuse afin que le " manteau" d'argile appliqué avant la trempe adhère au mieux à la lame .
Toucher une lame avec les doigts peut aussi être catastrophique, en effet la matière grasse laissée par le toucher peut empêcher également l'argile de tenir sur la lame au cours de la trempe .

J)TSUCHIOKI : fabriquer , construire le HAMON .
Contrairement au cuivre qui est un métal qui durcit au travail , à savoir , plus il est forgé et travaillé et moins il devient malléable, le fer , lui , donc, durcit quand il est soumis à un chaud et froid . L'acier dur des faces peut-être aiguisé mais pas le coeur de la lame trop fragile . C'est pour cette raison que les forgerons japonais ont développé une techique afin de durcir seulement le tranchant de la lame , laissant le reste du " corps "plus flexible , capable , d'absorber les chocs des coups assénés et des coups reçus ainsi que de résister à des torsions éventuelles de la lame . Le challenge à relever est double :
- premièrement le tranchant doit être assez dur mais ni trop ni trop peu . Tout cela dépend de la température du feu , de la teneur en carbone , et d'un certain nombre d'autres facteurs dont le KAJI à la maîtrise technique , mais qui ne sont jamais expérimentés jusqu'àu moment ou la lame chauffée est plongée et refroidie dans l'eau .

- deuxièmement , le " dictate" lié au commerce des lames japonaises , impose que la lame présente des motifs où sont identifiables les variations des structures cristallines liées au changement chimique entre " dure " martensite et " molle " pearlite dont résultent les NIOI, NIE et autres CHIKEI voir TOBIYAKI . Cette variation est complètement traduite dans le HAMON , qui est le symbole de la maîtrise des forgerons , leur signature réelle .

Le HAMON est sans aucun doute l'élément le plus esthétique d'une lame , celui que les connaisseurs recherchent et observent en premier lieu et avec le plus d'attention . Un ouvrage de B.W.ROBINSON , assez rare , " The Art of the Japanese Sword ", dénombre 55 HAMON différents du plus simple , le droit SUGUHA au plus design sous-titré " le chrysanthème sur l'eau " KIKUSUI BA , passant par CHOJI " clou de girofle " le préféré de notre KAJI ,typique des lames BIZEN .

Le tranchant renforcé est produit en couvrant le dos et une partie des faces avec de l'argile , puis chauffé dans la forge jusquà 700-900 °C enfin plongé dans l'eau . En chauffant la lame au delà de la température critique , le métal serait retransformé , changeant l'acier en austénite .
De cette façon , la dureté finale de l'acier dépend de sa vitesse de refroidissement : si l'acier refroidit rapidement après la trempe , et c'est ce qui se passe quand la gangue d'argile est mince , l'austénite se changera en martensite et le métal sera plus dure qu'avant . Dans le cas ou le refroidissement se fait lentement , ce qui se produira si le manteau d'argile est épais et sert d'isolant, la structure d'acier reviendra à son état original de ferrite et pearlite et la dureté du tranchant n'aura quasiment pas évolué .
La texture précise de la partie trempée et durcie , est le résultat des 3 variables suivantes :

-1) La teneur en carbone de l'acier : au dessous de 0.35% , l'acier ne peut pratiquement plus etre refroidi assez rapidement pour se transformer en martensite c'est-à-dire pour réaliser le HAMON . La teneur en carbone affecte également la largeur de la ligne de séparation entre HA et JI , la bordure du HAMON , nommée HABUCHI ( ou NIOIGUCHI ). L'acier présentant une teneur en carbone de 0,60% produira une bordure légèrement plus large qu'un acier à 0,70 % de teneur en carbone .

-2) Le manteau d'argile sur la lame . En controlant la position et l'épaisseur de la gangue d'argile et spécialement sur et près du tranchant , le KAJI crée des structures cristallines variées de l'acier pour dévoiler des motifs reconnaissables une fois les lames terminées .

-3) Les températures auxquelles les diverses parties de la lame sont chauffées . Délibérément ou pas , toutes les parties de la lames ne sont pas élevées à la même température avant la trempe . Le tranchant par exemple est généralement trempé de façon uniforme plus chaudement que le dos et ce sur la longueur complète de la lame . Ces valeurs et variations de température aident à déterminer l'apparence du HAMON et les autres spécificités visibles sur le métal tels que NIE , NIOI et UTSURI .

Le forgeron commence en préparant la mixture argileuse collante qui sera étalée sur la lame . Cette mixture est constituée d'argile , de poudre de charbon de bois et de la pierre écrasée , OMURA , dans les mêmes proportions à la grosse . L' argile remplit son rôle d'isolant réfractaire ; la pierre OMURA , consolide et arme l'argile l'empêchant de craquer et de rétrécir , le charbon de bois aide le forgeron à ajuster le niveau du chauffage et du refroidissement . La formule exacte de cette mixture varie d'école à école et même de forgeron à forgeron , on l'appelle YAKIBATSUCHI .
Le KAJI ajoute de l'eau à la mixture argileuse et la malaxe jusqu'à ce qu'elle devienne suffisamment visqueuse . Se servant d'une spatule , il étale la préparation sur le tranchant de la lame, la frottant assez pour laisser juste une mince couche où se trouvera le HAMON . Ensuite il étale une couche plus épaisse de 3 à 6 mm sur le reste de la lame . Cette gangue protégera la lame en l'empêchant de refroidir et durcir par la même occasion trop rapidement . C'est aussi ce qui déterminera la ligne complète du HAMON . Cette ligne sera forte si le forgeron utilise une arête épaisse le long de la bordure d'argile pour faire une démarcation nette entre les sections de métal refroidies rapidement et lentement . Ensuite , utilisant le tranchant d'une spatule sur les couches d'argile déjà terminées , le KAJI applique une série de fines striures perpendiculaires ou inclinées par rapport au tranchant du sabre . Ces striures servent de petits isolants et créeront des ASHI , étroites chainettes de pearlite ( acier doux) intégrées dans l'acier dur du tranchant . Ce profil de dentelure aide à contenir d'éventuel dommage pouvant se créer dans le tranchant ; elles font l'effet de brise-lame . Les ASHI font partie intrinsèque des éléments du design du HAMON . Les forgerons travaillant dans le style de la SOSHU DEN ajoutent cependant un peu d'oxyde de fer sur le support pour rendre ces ASHI moins visibles dans le HAMON de leur lame terminée . Chaque stade de cette construction à l'argile s'effectue toujours dans le même ordre : d'abord le tranchant puis les faces ensuite le dos et pour finir les ASHI.
L'aspect curieux dans cette procédure , c'est que la lame est entièrement recouverte d'argile même si il peut sembler que la trempe , aussi appelée YAKIIRE , est un succès parce que le tranchant refroidit plus vite que le dos, alors , le forgeron pourrait très bien ne pas utiliser du tout d'argile sur le tranchant et le laisser exposé directement aux effets combinés de l'eau fraiche et de l'air . Actuellement ce qui arrive c'est que la lame refroidit plus rapidement avec la mince couche d'argile . C'est parce que l'argile crée une zone couvrant une large surface sur la lame . Cela prévient aussi les bulles d'air qui risqueraient de former à terme des taches d'acier tendre dans le tranchant . Après avoir disposé l'argile , le forgeron pose la lame de côté pour laisser l'argile sécher. Les opérations consistant à enduire les lames portent les termes suivants : IN NO TSUCHI consiste à appliquer le mélange en couches plutot minces et de dessiner par le biais de ces couches les motifs désirés . YO NO TSUCHI , quant à elle , consiste à appliquer une couche assez épaisse de mélange argileux sur la lame et de procéder par soustraction pour réaliser les motis souhaités en enlevant de la matière . Cette méthode permet de réaliser des motifs plus " rafffinés " mais aussi moins naturels à la sortie .

(cf illustrations 2 et 3 et 4 )

A suivre......


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Chapitre 6 : Naissance du Sabre